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MARX TOUJOURS VIVANT

 


Vendredi 4 mai 2018, lors d'une conférence pour le bi-centenaire de la naissance de Marx,  à DOLE, Florian Gulli a présenté la pensée du père du communisme à travers trois notions clés : capitalisme, lutte des classes et communisme.

* Capitalisme

Marx définit le capitalisme, comme l'appropriation des moyens de production par les capitalistes et une production orientée vers le profit (et non vers la subsistance).

Par exemple, dans une économie traditionnelle, l’artisan apporte le capital (four, forge, moulin, ustensile, etc) et son temps de travail. Les bénéfices liés à la vente du produit reviennent au boulanger qui possède les moyens de production en même temps qu'il fournit le travail nécessaire à la confection du produit.

Dans une société capitaliste :
Henri Nestlé (le capitaliste) possède les usines et les moyens de production et il emploie des ouvriers qui apportent du temps de travail. Les bénéfices sont partagés entre Henri Nestlé qui a apporté le capital et les ouvriers qui ont apporté le temps de travail.

Mais les rapports entre Nestlé et les ouvriers sont inégalitaires. Si l'activité s’arrête, l'ouvrier ne gagne plus de quoi subvenir à ses besoins, en d'autres termes il meurt de faim. Tandis que Nestlé, s’il a suffisamment d'argent pour posséder des usines, peut survivre quelques temps sans rémunération.

Les capitalistes ont donc pu imposer leurs conditions aux travailleurs. L'activité de production rémunère donc davantage la possession des moyens de production que le travail. Le meilleur moyen pour obtenir de l'argent, c'est encore de posséder les moyens de production. Ce système conduit à l'accroissement des capitaux des capitalistes qui espèrent en conséquence accroître à nouveau leurs profits.

Marx considère que l'appropriation des moyens de production a des répercussions non seulement dans l'économie mais dans toute les sphères de la vie (sociale, politique, psychologique, y compris l’intimité). Il parle de « fait social total ».

Exemple 1 :
Les capitalistes, pour augmenter leurs profits,  ont développé les réseaux commerciaux (chemin de fer, canaux ferroviaires, etc), il ont  harmonisé les unités de mesure et les monnaies. Pour faciliter les échanges, il a fallu également instaurer une langue commune. Les patois ont été ainsi remplacés par le français. Ces transformations ont contribué à la naissance de la France comme nous la connaissons. Au Moyen Age, les paysans se définissaient davantage en tant qu'habitants du village (leur pays), qu'en tant que français. Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que  les habitants deviennent véritablement des Français en raison des transformations induites par le développement du capitalisme. Quelque chose d'aussi éloigné de l'économie que l'est le sentiment d'appartenance à une nation résulte donc du capitalisme.

Exemple 2 :
Pour augmenter la production et leurs bénéfices, les capitalistes ont du s'accaparer les ressources de l'ensemble de la planète (charbon, fer, etc). Pour cela, ils ont colonisé la planète. Mais lorsqu'il n'y a plus eu de nouveaux territoires à exploiter, les capitalistes de chaque pays ont du chercher les richesses du côté des autres pays capitalistes. Ce qui a conduit à la Première Guerre Mondiale, qui était  annoncée  dès le début du XXe siècle par les marxistes.

Exemple 3 :
Les capitalistes pour augmenter leurs profits ont intérêt à ce qu'une part croissante de l'activité humaine soit marchande. La disparition des abeilles serait une catastrophe majeure pour la planète... Mais les capitalistes ont une solution, la mise en place d'abeilles-robots. Qui seront bien sur commercialisées. Le principe de la publicité dans nos sociétés de consommation est de créer des besoins chez le client qui n'existaient pas chez lui avant d'avoir vu la publicité. Cette transformation est directement liée à la recherche de profit qui conduit les capitalistes à produire coûte que coûte, sans que cela ne répondent nécessairement à des besoins réels. 

Exemple 4 :
Le racisme est le fruit du capitalisme. Le racisme fut mis en place pour justifier l'esclavage et le commerce triangulaire. En même temps, il a eu des effets fort pratiques, les ouvriers en Amérique ont pu être tentés de s’allier aux esclaves pour affronter les capitalistes qui les exploitaient. Le racisme a permis d’empêcher ce type d’alliance, cette convergence des luttes.
C'est typiquement l'exemple de l'actionnaire qui prend 10 pains au chocolat pour lui et qui dit à l'ouvrier « fait gaffe l’immigré est en train de te voler ton pain au chocolat ».

* Lutte des classes

Aujourd’hui, on ne parle plus de classe sociales, la notion serait dépassée... enfin pas pour tout le monde ! Warren Buffett, 2e fortune mondiale avec près de 80 milliards de dollars écrivait en 2005 :  «  Il y a une lutte des classes, évidemment, mais c'est ma classe, la classe des riches qui mène la lutte. Et nous sommes en train de gagner. »

Les sociologues définissent les classes sociales par les revenus et les dépenses (part des revenus consacrée au logement, aux loisirs, à la nourriture).

Pour Marx, ces critères ne sont  pas essentiels. La lutte des classes figure dans l’introduction du manifeste du parti communiste, même si Marx reconnaît ne pas être l’inventeur de cette idée. Marx dit « la lutte des classes, ça continue ! » Ce qui compte, c'est les rapports de domination. Ton voisin qui gagne le double de ton salaire n'a pas de pouvoir sur ta vie. Le capitaliste qui te dit à quel horaire tu dois travailler, combien tu va gagner et menace de te virer si tu désobéis, peut délocaliser, a un pouvoir de domination.

Le reflux de la conscience de classe dans les années 80, ne signifie aucunement qu’il n’y a plus de classes sociales. Car le rapport de domination  existe toujours.

En définissant ainsi les classes sociales, Marx est un penseur qui prend en compte la domination des femmes, la domination des pays moins développés. Toutes les questions de dominations se rejoignent. Elles sont fortement liées au capitalisme. L'URSS malgré toutes ces crimes et toutes les critiques qu'on doit lui faire, a été cependant à l’avant garde sur ces questions. Les femmes soviétiques ont été parmi les premières à obtenir le droit de vote (1917), le droit d'avortement, etc. Et le marxisme a largement influencé tous les mouvements anti-coloniaux à travers le monde. Les leaders des droits civiques américains (Malcom X, Martin Luther King, les Black panthers) se sont réclamés du marxisme.


*  Communisme

Aujourd'hui, l'idée que le système capitaliste conduit à une impasse sociale, écologique et même économique (crise des subprimes 2007) est de plus en plus admise. Pour s'en rendre compte il suffit de regarder les séries TV et les films d'anticipation. Mais être contre le capitalisme ne suffit pas, encore faut-il proposer un autre modèle pour le remplacer.

Marx considère que le fondement du capitalisme est la concentration toujours plus importante des moyens de production (des capitaux) entre quelques mains. Pour lui, c'est sur ce terrain qu'il faut agir, il faut mettre fin à cette concentration. Il défend la mise en commun des moyen de production. C'est la base du communisme.

Marx ajoute qu'il faut partir des éléments déjà existants pour construire cette alternative. Il y a même dans nos sociétés capitalistes de nombreux éléments communistes.
    • Le sécurité sociale : c'est une part des bénéfices qui au lieu d'aller dans la poche des capitalistes, est ponctionnée par l’État pour financer un modèle social au service de l'ensemble des citoyens.
    • Le modèle des fruitières à comté. Les moyens de production sont mis en commun par les différents producteurs de lait pour confectionner collectivement les fromages.
    • Dans le domaine numérique, de nombreux projet de collaboration existent, comme Wikipédia, où tout le monde peut enrichir la base de données et peut y avoir accès sans qu'il y ait de rapport marchand. De même, tout un secteur du logiciel libre (gratuits d'utilisation, sans droit d'auteur, accès aux lignes de code) est en pleine extension.

Néanmoins, Marx est très hostile aux socialistes utopistes et aux anarchistes qui pensent qu'on peut crées des isolats communistes en auto-gestion. L'exemple de l’évolution du monde coopératif lui donne raison : Auchan, le Crédit agricole, le groupe Bel sont à l'origine des projets coopérateurs et sont devenus de grands groupes capitalistes comme les autres.
Marx défend l'idée que tous les projets d'émancipation (coopératives, associations) doivent être menés, mais il ajoute qu'ils doivent être conduits en parallèle de la lutte des classes et d'une révolution politique. Tant que l'essentiel des richesses de la planète seront concentrées entre quelques mains, il est illusoire de croire qu'une petite communauté de quelques milliers de personnes puissent vivre en suivant un autre modèle que le capitalisme.

C'est pour cela qu'il défend la prise de pouvoir politique et le contrôle de l’État par les prolétaires (l'ensemble des classes dominées; l'ouvrier, mais également le petit boulanger, l'ingénieur). Puisque l'appareil d’État dispose des moyens pour mettre fin à la concentration des richesses.
     
La seule question qui demeure, comment mettre en œuvre toutes ces transformations, au temps de la convergence des luttes ?

Max BERNIER

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