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responsables d'organisations syndicales, associatives et
environnementales parmi lesquels Philippe Martinez (CGT), Aurélie Trouvé
(Attac), Jean-François Julliard (Greenpeace) et Cécile Duflot (Oxfam)...
signent une tribune commune publiée, vendredi 27 mars.
Le texte de l'appel :
En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a réduit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales. Elle est une étincelle sur un baril de poudre qui était prêt à exploser. Emmanuel Macron, dans ses dernières allocutions, appelle à des "décisions de rupture" et à placer "des services (…) en dehors des lois du marché". Nos organisations, conscientes de l’urgence sociale et écologique et donnant l'alerte depuis des années, n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques, pour répondre aux besoins immédiats et se donner l'opportunité historique d'une remise à plat du système, en France et dans le monde.
En mettant le pilotage de nos sociétés dans les mains des forces économiques, le néolibéralisme a réduit à peau de chagrin la capacité de nos États à répondre à des crises comme celle du Covid. La crise du coronavirus qui touche toute la planète révèle les profondes carences des politiques néolibérales. Elle est une étincelle sur un baril de poudre qui était prêt à exploser. Emmanuel Macron, dans ses dernières allocutions, appelle à des "décisions de rupture" et à placer "des services (…) en dehors des lois du marché". Nos organisations, conscientes de l’urgence sociale et écologique et donnant l'alerte depuis des années, n’attendent pas des discours mais de profonds changements de politiques, pour répondre aux besoins immédiats et se donner l'opportunité historique d'une remise à plat du système, en France et dans le monde.
Dès à présent, toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé
des populations celle des personnels de la santé et des soignant·e·s
parmi lesquels une grande majorité de femmes, doivent être mises en
œuvre, et ceci doit largement prévaloir sur les considérations
économiques. Il s'agit de pallier en urgence à la baisse continue,
depuis de trop nombreuses années, des moyens alloués à tous les
établissements de santé, dont les hôpitaux publics et les Ehpad. De
disposer du matériel, des lits et des personnels qui manquent :
réouverture de lits, revalorisation des salaires et embauche massive,
mise à disposition de tenues de protection efficaces et de tests, achat
du matériel nécessaire, réquisition des établissements médicaux privés
et des entreprises qui peuvent produire les biens essentiels à la santé,
annulation des dettes des hôpitaux pour restaurer leurs marges de
manœuvre budgétaires... Pour freiner la pandémie, le monde du travail
doit être mobilisé uniquement pour la production de biens et de services
répondant aux besoins essentiels de la population, les autres doivent
être sans délai stoppées. La protection de la santé et de la sécurité
des personnels doivent être assurées et le droit de retrait des
salarié·e·s respecté.
Des mesures au nom de la justice sociale nécessaires
Des mesures au nom de la justice sociale nécessaires
La réponse financière de l’État doit être d'abord orientée vers
tou·te·s les salarié·e·s qui en ont besoin, quel que soit le secteur
d'activité, et discutée avec les syndicats et représentant·e·s du
personnel, au lieu de gonfler les salaires des dirigeant·e·s ou de
servir des intérêts particuliers. Pour éviter une très grave crise
sociale qui toucherait de plein fouet chômeurs·euses et
travailleurs·euses, il faut interdire tous les licenciements dans la
période. Les politiques néolibérales ont affaibli considérablement les
droits sociaux et le gouvernement ne doit pas profiter de cette crise
pour aller encore plus loin, ainsi que le fait craindre le texte de loi
d’urgence sanitaire.
Selon que l’on est plus ou moins pauvre, déjà malade ou non, plus ou
moins âgé, les conditions de confinement, les risques de contagion, la
possibilité d’être bien soigné ne sont pas les mêmes. Des mesures
supplémentaires au nom de la justice sociale sont donc nécessaires :
réquisition des logements vacants pour les sans-abris et les très mal
logés, y compris les demandeurs·euses d’asile en attente de réponse,
rétablissement intégral des aides au logement, moratoire sur les
factures impayées d'énergie, d'eau, de téléphone et d'internet pour les
plus démunis. Des moyens d’urgence doivent être débloqués pour protéger
les femmes et enfants victimes de violences familiales.
Les moyens dégagés par le gouvernement pour aider les entreprises
doivent être dirigés en priorité vers les entreprises réellement en
difficulté et notamment les indépendants, autoentrepreneurs, TPE et PME,
dont les trésoreries sont les plus faibles. Et pour éviter que les
salarié·e·s soient la variable d’ajustement, le versement des dividendes
et le rachat d’actions dans les entreprises, qui ont atteint des
niveaux record récemment, doivent être immédiatement suspendus et
encadrés à moyen terme.
Des mesures fortes peuvent permettre, avant qu’il ne soit trop tard,
de désarmer les marchés financiers : contrôle des capitaux et
interdiction des opérations les plus spéculatives, taxe sur les
transactions financières… De même sont nécessaires un contrôle social
des banques, un encadrement beaucoup plus strict de leurs pratiques ou
encore une séparation de leurs activités de dépôt et d’affaires.
Des aides de la BCE conditionnées à la reconversion sociale et écologique
Des aides de la BCE conditionnées à la reconversion sociale et écologique
La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une nouvelle injection
de 750 milliards d’euros sur les marchés financiers. Ce qui risque
d’être à nouveau inefficace. La BCE et les banques publiques doivent
prêter directement et dès à présent aux États et collectivités locales
pour financer leurs déficits, en appliquant les taux d’intérêt actuels
proches de zéro, ce qui limitera la spéculation sur les dettes
publiques. Celles-ci vont fortement augmenter à la suite de la "crise du
coronavirus". Elles ne doivent pas être à l’origine de spéculations sur
les marchés financiers et de futures politiques d’austérité budgétaire,
comme ce fut le cas après 2008.
Une réelle remise à plat des règles fiscales internationales afin de
lutter efficacement contre l'évasion fiscale est nécessaire et les plus
aisés devront être mis davantage à contribution, via une fiscalité du
patrimoine et des revenus, ambitieuse et progressive.
Par ces interventions massives dans l’économie, l’occasion nous est
donnée de réorienter très profondément les systèmes productifs,
agricoles, industriels et de services, pour les rendre plus justes
socialement, en mesure de satisfaire les besoins essentiels des
populations et axés sur le rétablissement des grands équilibres
écologiques. Les aides de la Banque centrale et celles aux entreprises
doivent être conditionnées à leur reconversion sociale et écologique :
maintien de l'emploi, réduction des écarts de salaire, mise en place
d'un plan contraignant de respect des accords de Paris... Car l'enjeu
n'est pas la relance d'une économie profondément insoutenable. Il s’agit
de soutenir les investissements et la création massive d’emplois dans
la transition écologique et énergétique, de désinvestir des activités
les plus polluantes et climaticides, d’opérer un vaste partage des
richesses et de mener des politiques bien plus ambitieuses de formation
et de reconversion professionnelles pour éviter que les
travailleurs·euses et les populations précaires n’en fassent les frais.
De même, des soutiens financiers massifs devront être réorientés vers
les services publics, dont la crise du coronavirus révèle de façon
cruelle leur état désastreux : santé publique, éducation et recherche
publique, services aux personnes dépendantes…
La "crise du coronavirus" révèle notre vulnérabilité face à des
chaînes de production mondialisée et un commerce international en flux
tendu, qui nous empêchent de disposer en cas de choc de biens de
première nécessité : masques, médicaments indispensables, etc. Des
crises comme celle-ci se reproduiront. La relocalisation des activités,
dans l’industrie, dans l’agriculture et les services, doit permettre
d’instaurer une meilleure autonomie face aux marchés internationaux, de
reprendre le contrôle sur les modes de production et d'enclencher une
transition écologique et sociale des activités.
La relocalisation n’est pas synonyme de repli sur soi et d’un
nationalisme égoïste. Nous avons besoin d’une régulation internationale
refondée sur la coopération et la réponse à la crise écologique, dans le
cadre d'instances multilatérales et démocratiques, en rupture avec la
mondialisation néolibérale et les tentatives hégémoniques des États les
plus puissants. De ce point de vue, la "crise du coronavirus" dévoile à
quel point la solidarité internationale et la coopération sont en panne :
les pays européens ont été incapables de conduire une stratégie commune
face à la pandémie. Au sein de l’Union européenne doit être mis en
place à cet effet un budget européen bien plus conséquent que celui
annoncé, pour aider les régions les plus touchées sur son territoire
comme ailleurs dans le monde, dans les pays dont les systèmes de santé
sont les plus vulnérables, notamment en Afrique.
Tout en respectant le plus strictement possible les mesures de
confinement, les mobilisations citoyennes doivent dès à présent déployer
des solidarités locales avec les plus touché·e·s, empêcher la tentation
de ce gouvernement d’imposer des mesures de régression sociale et
pousser les pouvoirs publics à une réponse démocratique, sociale et
écologique à la crise.
Plus jamais ça ! Lorsque la fin de la pandémie le permettra, nous
nous donnons rendez-vous pour réinvestir les lieux publics et construire
notre "jour d’après". Nous en appelons à toutes les forces
progressistes et humanistes, et plus largement à toute la société, pour
reconstruire ensemble un futur, écologique, féministe et social, en
rupture avec les politiques menées jusque-là et le désordre néolibéral.
Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France
Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac France
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT
Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
Benoit Teste, secrétaire général de la FSU
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France
Eric Beynel, porte-parole de l'Union syndicale Solidaires
Clémence Dubois, responsable France de 350.org
Pauline Boyer, porte-parole d'Action Non-Violente COP21
Léa Vavasseur, porte-parole d'Alternatiba
Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre Solidaire
Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au Logement
Lisa Badet, vice-présidente de la FIDL, Le syndicat lycéen
Jeanette Habel, co-présidente de la Fondation Copernic
Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature
Mélanie Luce, présidente de l'UNEF
Héloïse Moreau, présidente de l'UNL
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